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Barème « Macron » : la résistance des conseillers prud’homaux continue en attendant les arrêts de cours d’appel

La résistance des conseils de prud’hommes (CPH) à l’avis rendu par la Cour de cassation le 17 juillet 2019, qui a estimé que le barème Macron était conforme au droit international, continue. C’est au tour du CPH du Havre d’écarter le barème d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse qui ne permet pas, selon lui, d’indemniser le préjudice réellement subi par le salarié. Nous devrions bientôt connaître les décisions des cours d’appel de Paris et de Reims.

Un barème conforme au principe de réparation adéquate pour la Cour de cassation

La fronde de nombreux conseils de prud’hommes, qui refusaient d’appliquer le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit « barème Macron », a conduit à la saisine de la Cour de cassation pour avis afin qu’elle se prononce sur sa conformité à l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, qui fixe le principe d’une réparation « adéquate ».

Le barème autorise le juge à fixer l’indemnisation du salarié licencié abusivement entre un montant minimal et un montant maximal fixés par le code du travail (c. trav. art. L. 1235-3). C’est ce système d’indemnisation plafonnée qu’ont contesté certains conseils de prud’hommes.

Néanmoins, dans son avis rendu le 17 juillet 2019, la Cour de cassation a considéré que le barème Macron était bien conforme à l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT (cass. avis. 17 juillet 2019, n° 19-70010 PBRI et n° 19-70011 PBRI ; voir sur RF Social https :/rfsocial.grouperf.com/depeches/44034.html ou sur Social Expert https://www.social-expert.com/actualites/fil-quotidien/article/id/breves-social-44034).

Un avis remis en cause par le CPH du Havre

Le conseil de prud’hommes du Havre n’est pas le premier à avoir refusé de suivre l’avis de la Cour de cassation du 17 juillet 2019 (ex. : CPH de Grenoble, 22 juillet 2019, RG n° 18/00267 ; voir sur RF Social https ://rfsocial.grouperf.com/flash/44070.html ou sur Social Expert https://www.social-expert.com/actualites/fil-quotidien/article/id/flash-social-44070).

Il rappelle que cet avis ne lie par les juges, ce qui est vrai sur le principe.

Saisi d’une action contestant le licenciement pour inaptitude d’un salarié ayant perdu sa jambe après un accident du travail, le CPH du Havre remet en cause l’avis de la Cour de cassation à plusieurs égards. À ses yeux, notamment :

-il ne peut pas être soutenu que ce barème est valable parce qu’il ne s’applique pas aux licenciements, dans la mesure où ces derniers relèvent en tout état de cause d’un régime spécifique ;

-l’argument selon lequel le salarié perçoit, en plus de son indemnité de licenciement, des indemnités complémentaires est inopérant, car le juge peut tenir compte de ces sommes versées pour déterminer – et donc limiter – le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-l’argument selon lequel l’employeur peut être aussi condamné à rembourser une partie des indemnités Pôle emploi versées au salarié est tout aussi inopérant, car cette condamnation ne répare pas un préjudice subi par le salarié puisqu’il ne sera pas destinataire de cette condamnation ;

-le plafonnement fondé sur l’ancienneté n’est pas équitable ;

-le barème a beaucoup moins de caractère dissuasif ;

-le salarié ne peut pas obtenir réparation d’un certain nombre d’autres préjudices (conséquences morales sur sa personne et sa famille, sur sa santé, financières, etc.) par une autre voie judiciaire ;

-le juge prud’homal perd quasiment tout pouvoir d’appréciation.

Le CPH du Havre a donc refusé de se conformer au barème et a condamné l’employeur à verser une somme bien plus élevée.

Quelle sera la position des cours d’appel ?

Dans ces débats houleux sur le barème Macron, une voix ne s’est pas encore fait entendre : celle des cours d’appel.

Nous devrions bientôt connaître la position des cours d’appel de Paris et de Reims, dont les décisions sont attendues pour le 25 septembre prochain.

CPH du Havre, 10 septembre 2019, RG n° 18/00413

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