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Paternité

La protection de 10 semaines contre le licenciement, accordée aux pères, n'ira pas devant le Conseil constitutionnel

Sauf exception, un père ne peut pas être licencié durant les 10 semaines qui suivent la naissance de son enfant. Cette disposition prévue à l’article L. 1225-4-1 du code du travail faisait l’objet de questions prioritaires de constitutionnalité que la Cour de cassation a refusées de transmettre au Conseil constitutionnel.

Protection post-paternité : la règle

Le contrat de travail d’un salarié ne peut pas être rompu pendant les 10 semaines suivant la naissance de son enfant (c. trav. art. L. 1225-4-1).

Un salarié ne peut donc pas être licencié durant cette période, sauf :

-s’il a commis une faute grave ;

-ou s’il est impossible de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.

Un conseil de prud’hommes saisit la Cour de cassation de questions prioritaires de constitutionnalité

L’affaire qui nous intéresse concernait un salarié licencié pour insuffisance professionnelle le 10 juillet 2019. Il contestait son licenciement qui était intervenu pendant la période de protection prévue à l'article L. 1225-4-1 du code du travail, son enfant étant né le 11 mai 2019.

Dans le cadre de ce litige, le conseil de prud’hommes a saisi la Cour de cassation de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), en vue d’obtenir leur transmission au Conseil constitutionnel.

Sans entrer dans le détail des QPC soulevées, on relèvera que celles-ci visaient notamment à savoir :

-si la protection accordée aux jeunes pères, pourtant non concernés par la grossesse, est conforme à l’article 11 du préambule de la Constitution de 1946 dans la mesure où elle leur offre une protection contre le licenciement qui serait uniquement destinée à protéger la santé physique et psychique des femmes ayant accouché ;

-si l'interdiction de licencier un jeune père pendant la période de 10 semaines suivant la naissance de l'enfant, pour des motifs autres que la faute grave et l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la naissance, porte une atteinte excessive et disproportionnée à la liberté d'entreprendre consacrée par la Constitution, en restreignant les possibilités pour l'employeur de se séparer de certains de ses collaborateurs pour des motifs non discriminatoires, car non liés à la vie familiale des intéressés et à l'arrivée de l'enfant, telle que l'insuffisance professionnelle.

La Cour de cassation refuse de transmettre les QPC au Conseil constitutionnel

Tout en relevant que les dispositions en cause n’avaient pas encore été déclarées constitutionnelles, la Cour de cassation a néanmoins refusé de transmettre les QPC au Conseil constitutionnel, estimant :

-d’une part, que les questions posées n’étaient pas nouvelles et ne portaient pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application ;

-et d’autre part, qu’elles ne présentaient pas un caractère sérieux.

À cet égard, la Cour relève tout d’abord que la période de protection de 10 semaines a notamment pour objectif de permettre au salarié en instaurant une période de stabilité et de sécurité du lien contractuel, de concilier vie professionnelle et vie familiale, et de favoriser un meilleur partage des responsabilités parentales et elle ne porte aucune atteinte au droit à la protection de la santé des salariés.

Ensuite, la Cour ne voit pas de violation du principe d'égalité entre les hommes et les femmes : elle juge que la période de protection dont le père bénéficie, a une finalité différente de celle instaurée en faveur de la mère. Cette période de protection accordée au père tend à favoriser l'égalité en permettant notamment un meilleur partage des responsabilités parentales.

Enfin, pour la Cour de cassation, l'interdiction de licencier le père est d’une part limitée dans le temps, d’autre part elle a des exceptions (deux motifs de licenciement sont ouverts). Pour la Cour, cette interdiction répond à des motifs d'intérêt général et n'apporte pas d’atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.

Cass. soc. 2 mars 2022, n° 20-40032 FSB